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Chassez le naturel…

Ma démarche

Depuis quelques années maintenant je me pose des questions sur ma consommation de viande. Est ce que le régime végétarien est une solution ? Est ce qu’il ne vaut pas mieux manger moins de viande et préférer la sélectionner avec plus de soin ? Si je devais tuer les animaux que je mange, est ce que je continuerais à en consommer ?

Après tout, la viande n’est pas qu’un morceau de muscle conditionné dans une barquette en plastique : elle est avant tout un animal, doté d’une conscience, d’une sensibilité et d’une vie… qu’il perd pour nourrir l’Homme.
Je me suis essayée au régime végétarien pendant un peu plus d’un an, mais mon goût pour la viande ne tarie pas. Entre éthique et amour du goût, je devais appréhender de plus près la mort de l’animal consommé afin de faire un choix éclairé.

Limitant déjà ma consommation à une viande provenant d’une agriculture raisonnée, aller voir des animaux d’élevage ne m’intéresse pas car j’ai déjà pris conscience que je ne voulais pas contribuer à cette torture. Je me suis donc naturellement tournée vers un des modes de consommation le plus ancestral qui existe, et sans lequel l’Homme ne serait jamais devenu un bipède : la chasse.

Levée aux aurores, direction la campagne mosellane dans l’Est de la France, ma région natale. Je profite du trajet pour m’informer davantage sur cette discipline que je ne connais qu’à travers ce que les médias veulent bien nous montrer…

Ce que j’ai appris

Nous nous dirigeons vers une forêt domaniale, c’est à dire un terrain loué par l’Office Nationale des Forêts (détenteur du droit de chasse) aux chasseurs. Bien que la forêt soit louée, elle ne devient pas pour autant un terrain privé : elle reste libre d’accès pour toutes personnes voulant s’y balader. Une fois la parcelle louée, le permis de chasse et l’assurance en poche, les chasseurs se voient attribuer un quota annuel d’animaux à prélever. Des bracelets (payants) sont attribués pour chaque animal prélevé ce qui permet un contrôle des autorités sur le respect des quotas.

Les chasseurs ont effectivement un quota imposé par l’état à respecter : ils sont obligés de le remplir, sous peine de sanctions allant jusqu’à l’imposition par le Préfet de battues administratives (chasse organisé par l’État pour remplir les quotas) et d’amendes très lourdes.

Ce quota est mis en place afin de concilier l’équilibre entre la population d’animaux sauvages, gibiers, et la préservation des essences d’arbres dont les jeunes pousses sont consommées par le gibier. En effet, l’ONF, gèrent le peuplement des forêt que possède l’état. Dés lors que le gibier vivant sur les parcelles se trouve en situation de surpopulation, ce devient présente un risque de destruction du biotope et donc de son milieu naturel. C’est pour cette raison que les chasseurs locataires des lots doivent assurer un prélèvement d’animaux minimum afin de maintenir cet équilibre. Ils sont en fait les protecteurs des essences d’arbres sans pour autant mettre en péril le renouvellement des espèces.

En début de saison, des comptages sont organisés afin de s’assurer du nombre d’animaux présent sur les parcelles : cela permet de déterminer le plan de chasse à respecter. Sur une population de chevreuils, un prélèvement de l’ordre de 20 % du nombre total d’animaux est autorisé chaque année : ce pourcentage correspond en fait au seuil de renouvellement naturel de l’espèce. Pour les sangliers, le problème est différent, puisque sa reproduction annuelle est de l’ordre de 200 %. Une surpopulation à priori liée au dérèglement climatique qui classe l’espèce dans la catégorie des nuisibles : ce qui implique que le plan de chasse pour cette espèce n’est donc pas limité.

Si l’on veut éviter une surpopulation, c’est parce qu’elle est source de maladie ce qui peut entrainer à terme la disparition de l’espèce sur certain territoire. Il arrive également que certains animaux (surtout les sangliers) détruisent partiellement les champs de certains agriculteurs. Dans ce cas là, les chasseurs du département paient directement les dégâts aux agriculteurs, ce qui représente en France plusieurs millions d’euros par an.

Location de la chasse sans en être le seul à en profiter, équipements, consommables, permis de chasse, assurance, bracelets, amendes et dommages et intérêt : je trouve que quelque chose cloche dans ce système… et en même temps je trouve ça très français.

Mon ressenti

Nous arrivons à l’avant poste de chasse. J’y retrouve des jeunes, des anciens, des femmes, tous étant liés par cette « passion » de la nature, par cette envie de faire perdurer des traditions, tous liés par un vrai lien. L’accueil est chaleureux et une fois que tout le monde est arrivé, l’organisation commence. Nous nous rassemblons tous en un grand cercle pour déterminer les lignes, les parcelles qui seront chassées et surtout pour rappeler les règles de sécurité.

Aujourd’hui nous allons faire une battue, pratique de chasse en groupe qui consiste à rabattre les animaux vers des tireurs postés. Le groupe qui rabat les animaux, les traqueurs, ne sont pas armés : il n’y a que les chasseurs en poste sur les lignes qui pourront tirer et ce,  en respectant des règles. Certaines règles sont là pour la sécurité, tandis que d’autre ressemble plus à des recommandations éthiques.

Les rôles étant répartis, nous reprenons la voiture pour rentrer dans la forêt et prendre notre poste. Nous nous garons en amont pour ne pas alerter les animaux et nous terminons le chemin à pieds. Nous sommes tous espacés d’une cinquantaine de mètres : le chasseur devra calculer ses angles de tir afin de ne pas mettre en danger les autres chasseurs postés non loin ainsi que les éventuels autres utilisateurs de la forêt. Chacun est seul à son poste et reste à l’affût, attendant l’apparition d’un animal. La battue prend fin lorsque les cors retentissent, quelques heures plus tard.

Pendant ce temps, l’autre groupe de chasseurs marche stratégiquement dans la forêt, accompagnés de chiens. Là encore j’ai pu me rendre compte à quel point le lien entre les chasseurs et leur chiens était fort, comme deux membres d’une même famille, des complices, des amis.

On m’a fait tenir un fusil (non chargé) pendant la dernière demi heure de chasse. Malgré le froid, la neige et le vent (et le fait de savoir que je n’allais pas tirer), j’étais prête à surprendre le premier animal qui passerait dans mon angle de tir. Une émotion que je ne pensais pas ressentir un jour me pris par surprise: j’avais envie de chasser un animal, de mériter sa viande. Un instinct primitif et presque pur, comme un retour à l’essentiel : je me voyais déjà aller caresser le chevreuil encore chaud que j’aurai tiré, lui dire au revoir et merci, le porter à m’en faire mal au dos, le nettoyer non sans difficulté, le cuisiner avec soin… Et le partager lors d’un repas.

Je n’aurais pas assisté directement au prélèvement d’un animal. Mais lorsque nous nous somme tous retrouvés, j’ai pu découvrir les gibiers des autres chasseurs. C’était la première fois que je voyais des animaux morts : j’ai été de nouveau surprise par mes émotions. Ou plutôt par mon manque d’émotion. J’aurais pensé que la vue du gibier m’aurait fendu le cœur, mais ça a plutôt fait naître une certaine forme de curiosité. Ces animaux, auxquels les chasseurs ne manquent pas de rendre honneur, étaient vivants quelques heures plus tôt. Ils étaient maintenant ici, prêt à être préparés.

C’est un circuit de consommation tellement court que l’on peut se demander si on peut appeler ça un circuit : la viande est directement récupérée par les chasseurs afin de la ramener à la maison et la conserver précieusement… ou la cuisiner sur le champs. Les viandes de gibier sont également écoulées auprès des restaurateurs ou autres associations caritatives : plus frais que ça, c’est compliqué !

Je n’ai pas assisté aux Honneurs rendus au gibier, une tradition ancestrale par laquelle les chasseurs rendent un dernier Honneur à l’animal. Ce rituel consiste à mettre une brisée (herbe) dans la bouche des animaux prélevés : ce symbole de dernier repas de l’animal, est un geste de remerciement. On m’a dit que pour avoir une vraie vision d’ensemble, il faudrait que j’y assiste. C’est d’accord, je reviendrai, avec plaisir.

J’étais venue avec l’hypothèse que cette journée me donnerait l’envie d’arrêter de consommer de la viande. Mais en fin de compte je suis repartie avec une envie d’en consommer de manière plus intelligente. Comme quoi, ce n’est que lorsque l’on va au bout des choses, que l’on est curieux et que l’on s’implique que l’on peut avoir des certitudes.

Je suis tombée dans un groupe bienveillant et vivant la chasse comme une vocation plutôt qu’un loisir. J’ai fais la rencontre d’un nouvel ami qui m’a partagé une vision pleine d’émotions et des histoires pleines de sens : je garde ça pour moi pour l’instant, précieusement. Mais promis, je vais provoquer une nouvelle immersion, qui me permettra de vous relayer sa passion…