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Chasseuses de couleurs

L’Hiver arrive doucement et pourtant les feuilles vertes ne se sont toujours pas enflammées, comme si elles ne voulaient pas tomber en tapis sur lequel on aimait jouer. L’Automne va lui céder la place sans même être rentré en scène, gardant son talent rien que pour lui, rangé à côté de la chaleur de ses couleurs. Peut être a-t-il peur d’avance de partir, alors choisit-il de ne pas revenir ? Peut être garde t-il précieusement une explosion colorée, à nous dévoiler lorsqu’on ne l’attendra plus ?

L’attendre, nous l’avons toujours fait : peut être que pour une fois il fallait aller le chercher, le rassurer, le ramener. La nostalgie des feuilles mortes par milliers devint alors notre moteur : il était temps pour nous de partir à la chasse aux couleurs.

Nous avons parcouru bien des chemins, en proie à la moindre note orangée, feuille enflammée, arbre coloré. Nous chérissions notre espoir qui nous soutenait : les forêts monochromes étaient les plus tristes à traverser.

Mais notre périple touchait à sa fin : il nous était impossible de partir trop loin de peur que l’Hiver n’en profite pour installer sa noirceur. Avant de rebrousser chemin, une ultime halte afin de contempler la verdure persévérante, ne voulant céder sa place. Et c’est en lâchant prise, en oubliant notre obstination que nos yeux ont été comblés : là bas, une tâche de couleur nous appelait… Nous nous sommes précipitées vers elle, découvrant ce que nous étions parties chercher : l’Automne était là, il nous attendait.

Les retrouvailles passées, nous nous devions de lui déclarer notre flamme :

Tu traines derrière toi la mort, mais c’est bien grâce à la chute que l’on renaît.
Tu mets en lumière ce que l’on ignore, et nous aide à faire table rase du passé.
Tu nous tends les fruits de nos efforts, ceux que l’on aurait presque oubliés.
Nos doutes et nos peurs, tu les évapores, pour que l’on puisse enfin se recentrer.

Merci pour ta robe multicolore et tes senteurs enchantées :
Sans toi il ne resterait que les remords, de ne plus avoir de saison à préférer.

 

Au delà des mots, c’était le fait que nous le comprenions qui le combla : il était prêt à revenir. Alors en flottant légèrement dans l’air, il se dispersa et transporta le vivant vers la mort dans une danse flamboyante. C’était à la fois la fin et le commencement.

Nous sommes restées un moment à observer le spectacle éclatant d’une forêt enfin transformée.
Et nous sommes restées encore un bon moment à nous observer, enfin transformées.